Crise, télétravail et réseaux Mixité
Le Cercle InterElles a souhaité faire le point sur le rôle que les réseaux mixité ont joué pendant la crise, les leçons à en tirer en termes d’actions et de pratiques de management, de gouvernance, de collaborations à construire pendant le télétravail.
La crise sanitaire, sociale et économique a touché chacun.e personnellement, professionnellement et collectivement. Dans l’entreprise où il a fallu concilier confinement, parentalité et productivité, les collectifs de travail ont été déstructurés. Le confinement imposé par la pandémie de la Covid-19 a accéléré le déploiement de certaines pratiques. Il a également érigé la résilience comme une compétence et poussé l’entreprise à redoubler d’écoute vis-à-vis des collaboratrices et collaborateurs. Quelles nouvelles formes de management et de communication se sont exprimées et quel rôle les réseaux mixité ont-ils joué ?
La communication et le management à l’épreuve du télétravail
Pendant les huit semaines de confinement, le télétravail est devenu la norme pour près de quatre salarié.e.s sur dix du secteur privé. Les entreprises du Cercle InterElles (*) s’y sont pliées avec un degré de préparation et une mise en œuvre différentes selon leurs cultures. Pour chacun.e, il a fallu s’adapter et adopter de nouvelles façons de communiquer et de manager. Certes, le télétravail a su lever certaines résistances et accroître la productivité mais il a surtout lourdement pesé sur les femmes dont dépendent 70 % de la charge familiale et domestique. Des groupes de travail se sont bien souvent transformés en groupes de parole, révélant une désorganisation absolue, un surcontrôle, voire des cas de télésurveillance, jusqu’à la perte d’autonomie, l’isolement et le surmenage. A la prise de conscience s’ajoute le besoin d’imposer des règles et des bonnes pratiques. Pour 93 % des entreprises, l’adoption du télétravail repose sur une refonte du système managérial (1). C’est d’autant plus nécessaire que le télétravail, qui est amené à se généraliser, doit être équitablement partagé – à l’image de la parentalité – au risque d’impacter la carrière des femmes.
Dans ce contexte inédit, les entreprises ont également porté une plus grande attention aux situations où la culture managériale privilégiait le présentéisme. L’extension du télétravail s’est alors accompagnée de formations en ligne sur le management à distance, l’acquisition d’un état d’esprit positif et de séances de méditation. La période de confinement a ouvert la voie à des modes de communication et d’expression créatifs, plus participatifs et moins hiérarchiques. De même, certaines entreprises ont créé une ligne d’écoute ou publié un guide sur les violences domestiques qui ont augmenté pendant le confinement.
Les réseaux pour créer une communauté d’entraide et de pratiques
Force de questionnement et de proposition auprès des RH, les réseaux mixité ont pleinement joué leur rôle informel et prescripteur, à la fois dans l’animation d’une communauté d’entraide et dans le maintien du lien. Avec, entre autres actions, l’adaptation de formations managériales aux femmes ou la digitalisation des traditionnels « petits-déjeuners réseaux ».
Les cafés virtuels et les discussions régulières ont également réuni un grand nombre de participant.e.s. dans le cadre d’échanges entre pair.e.s, de témoignages spontanés, y compris à l’échelle internationale. L’occasion de partager son expérience et ses pratiques : « communiquer et collaborer, survivre et s’organiser en temps de confinement », « ma journée pro idéale », « organiser son temps, s’imposer une routine » ou encore « le monde d’après » ont ainsi proposé des clés et offert une respiration aux femmes confrontées à la double pression de la vie professionnelle et quotidienne.
Au-delà du statut de la femme en tant que professionnelle, mère et citoyenne, la crise a mis en évidence la nécessaire inclusion de toutes les diversités dans une forme de « convergence des luttes et des réseaux ». Elle a pointé la multitude des situations familiales, psychologiques et économiques, révélé et exacerbé les inégalités et réveillé les comportements stéréotypés.
Maintenir les avancées en faveur de la mixité et de l’inclusion
Chaque crise comporte son lot de ruptures et d’opportunités. Dans le domaine de la recherche qui suppose des publications soutenues, les femmes, dont le pourcentage d’articles a chuté à 12 % pendant le confinement, ont « perdu du terrain » au profit des chercheurs hommes (2). En astrophysique et en sciences sociales, les travaux universitaires soumis par les femmes enregistrent une baisse de 50 % (3). Dans le même temps, la première charte internationale pour une Intelligence Artificielle inclusive a vu le jour. Elle réunit aujourd’hui déjà 35 signataires et rejoint ainsi l’ambition du Cercle InterElles qui est fortement engagé dans le développement éthique, l’usage et la production égalitaires et non-discriminatoires des outils à base d’IA.
Nul doute que l’attente vis-à-vis des entreprises en termes de sens, de valeurs et d’égalité est aujourd’hui plus forte qu’hier. Sur le terrain de la mixité, les risques d’un recul sont grands et comme toutes les crises, celle-ci semble avoir clairement ravivé les comportements sexistes. Les réseaux d’entreprises, parmi lesquels le Cercle InterElles, sont mobilisés afin que les fragiles avancées ne soient pas freinées au seul profit des enjeux économiques. Au risque du statu quo s’ajouterait alors celui d’un accroissement des inégalités et des dérives. Nous y sommes d’autant plus attaché.e.s que les fondations d’une « entreprise mixte, inclusive et attractive » qui étaient à l’agenda de notre colloque annuel en mars dernier, ont été mises à mal à l’épreuve de la crise. Or c’est bien de notre vigilance constante que dépendent les progrès que nous comptons partager à l’occasion du prochain colloque du Cercle InterElles qui fêtera ses 20 ans en mars 2021.
Rédigé par Laurence Denis, juillet 2020
Dessin de Delize