Pousser les murs- Muriel Pénicaud
Voici la lecture qu’Aline Aubertin, Présidente de Femmes Ingénieures, membre et partenaire du Cercle InterElles, a fait de l’ouvrage de Muriel Pénicaud. Bonne lecture!
« Je viens de terminer la lecture du livre de Muriel Penicaud, « Pousser les murs», qui a été mon livre de l’été et qui se lit comme un roman : riche, sincère, percutant, passionnant. Je vous conseille de le lire.
Merci Madame pour votre dédicace : « Pour tous les murs que nous poussons ensemble, pour et avec les femmes ». En effet, j’ai poussé et je pousse encore avec vous et sans doute aussi grâce à vous les murs : murs et plafonds de verre, qui empêchent les femmes de réaliser leur plein potentiel et de s’épanouir professionnellement à leur juste valeur.
Lors de la préparation, puis la mise en place de l’Index Pénicaud, au fil des réunions dans la salle des accords de Grenelle, lorsqu’elle occupait le poste de Ministre du travail, mais aussi via ma participation au Global Summit of Women, en tant que membre de la délégation française, qu’elle présidait, j’ai appris à connaitre cette femme sincère, vraie, engagée, pragmatique et proche des gens.
Pourtant, à la lecture de ce livre, dans lequel elle nous fait le cadeau de se livrer dans toute sa vérité, j’ai beaucoup appris et une fois de plus beaucoup reçu tant son optimisme et sa positivité font du bien.
Le ton est donné dès l’introduction, où elle raconte que dès l’âge de 10 ans, elle a eu le sentiment que l’institution scolaire essayait de l’enfermer derrière les murs des possibles/impossibles pour les filles : « Une femme ne peut pas être Chef d’orchestre, c’est impossible ! » Elle comprend brutalement que « les filles n’ont pas le même destin que les garçons » et elle en tire cette énergie sans faille pour « pousser les murs ».
Elle est de ces femmes, qui abordent la politique dans la sororité. Elle sait reconnaitre et s’appuyer sur les réseaux [1]de femmes qui offrent « aux jeunes générations des modèles d’identification, qui renforcent la confiance en elles … tels que le Cercle InterElles, Financi’Elles, Grandes Ecoles au Féminin, et Femmes Ingénieures »[2], écrit-elle. Effectivement, c’est dans mes activités au sein du Cercle InterElles et de Femmes Ingénieures que nous avons eu l’occasion d’échanger. Merci pour ces interactions gagnant-gagnant. Merci pour cette mise en lumière et cette reconnaissance de la valeur de notre engagement.
Elle raconte la conception, puis la mise en place de l’index Penicaud. « Le jour même de sa nomination, elle se demande quelle pourrait être sa contribution à la cause des femmes, en tant que Ministre du travail ». Avec cet index, Muriel Penicaud a beaucoup fait pour la prise de conscience des inégalités. L’anecdote qu’elle raconte au sujet de la standing ovation, qu’elle a reçue à Bale lors du Global Summit of Women, tandis que l’ensemble de la délégation française se tenait debout en arborant le même tee-shirt « it is not a tee-shirt, it is a law » est l’un de ces moments de fierté d’être française, que je n’oublierai pas. Merci de l’avoir partagée dans ce livre : mon tee-shirt est rangé précieusement, comme le témoin de cette victoire d’étape, sur la route de l’égalité femmes-hommes !
Ce livre contient également un vibrant plaidoyer en faveur de la place des femmes dans le secteur du numérique, qui fait écho à mon engagement en tant que Présidente de Femmes Ingénieures, pour une plus grande mixité femmes-hommes dans les secteurs techniques : « Un ingénieur sur 5 et 5% seulement des créateurs de start-up sont des femmes : la boucle va se refermer pour une génération ou deux, si nous n’agissons pas rapidement. »[3]
Elle nous explique cependant avec beaucoup d’humilité les difficultés pour les politiques de faire bouger les choses, car « ils ne sont que de passage aux yeux des hauts fonctionnaires … qui pensent qu’ils sont l’état … Cette endogamie qui dure depuis des décennies représente un véritable danger, que l’on pourrait appeler l’angle mort des politiques. »[4]
Alors que l’on entend trop souvent à mon gout cette petite musique stéréotypée du seul intérêt des politiques pour le pouvoir et pour la défense de leur propre intérêt, elle nous explique que pour elle, être Ministre, n’allait pas de soi, et qu’elle a eu des craintes pour sa famille … une mise au point rafraichissante !
Autre stéréotype attribué aux DRH de son niveau, qu’elle balaie en se disant « profondément convaincue de l’importance des partenaires sociaux dans une démocratie avancée. »[5]
De cette expérience de dirigeante et de Leader opérationnelle en ressources humaines, elle a tiré de nombreux enseignements sur le leadership, et sur le jugement porté par les français sur les femmes, qui gagnent de l’argent, qu’elle partage utilement pour les lecteurs.
Elle regarde la France, avec ses yeux d’experte en ressources humaines et dénonce « le risque pour la France de se transformer en un lieu de coexistence de divers communautés, liées chacune par des intérêts de nature diverse … mais sans discussion démocratique, sans désir de discussion même conflictuelle, autour d’un projet national commun. »[6]
Une très grande partie de ses réflexions et de son énergie est évidement tournée vers le développement de l’employabilité des françaises et des français et la réduction du chômage. Ayant moi-même réalisé toute ma carrière dans des entreprises étrangères, j’apprécie qu’elle nous rappelle que « l’apport de l’international à l’emploi en France est souvent sous-estimé : un salarié sur dix dans le secteur privé en France est employé par une entreprise étrangère … et 4 Millions de français ont un emploi totalement ou partiellement lié à l’export ».[7]
Muriel Penicaud partage son enthousiasme énergique et communicatif pour une relance s’appuyant sur une mutation de l’industrie, qui intègre l’écologie et l’automatisation, dont il ne faut pas avoir peur. C’est ce qui l’a amenée à s’engager résolument en faveur de la formation continue, afin que chacun et chacune puisse développer de nouvelles compétences, évoluer et changer de métier s’il le souhaite et également en faveur de l’apprentissage pour les jeunes.
Nul n’est inemployable nous dit-elle et elle y consacre un chapitre entier – le N°9- avec un partage d’expériences, des propositions pratiques en faveur de l’inclusion et « une méthode en 4 étapes : un diagnostique partagé, une large concertation, une décision claire et forte et une évaluation corrective. »[8].
Muriel Penicaud explique « le principe de la confiance », sur lequel elle s’appuie pour alléger les lourdeurs administratives : « Faire confiance, ce n’est pas du laxisme. Faire confiance, c’est encourager les meilleurs, c’est permettre la multiplication des initiatives et des innovations »[9]. Ce principe permet d’être plus réactif, notamment dans la gestion de crise et c’est sur la confiance qu’elle s’est appuyée pour mettre en place les mesures d’accompagnement des entreprises et des salariés lors de la crise sanitaire liée à la COVID 19. « La rapidité de décision et de mise en œuvre sont décisives dans une gestion de crise ». Ce livre nous permet d’ailleurs de comprendre comment la gestion de cette crise a été gérée au sein du Ministère du travail, dont Muriel Penicaud avait la charge, et de revenir sur certains points, qui ont fait débat :
- la notion de biens essentiels toute relative : « aucun travailleur, aucun entrepreneur ne devrait être humilié et considéré comme « non-essentiel » à la société »[i][10] ;
- l’importance de la concertation avec les syndicats : « sans la coopération étroites entre les administrations et partenaires sociaux, nous n’aurions jamais pu réagir aussi vite et de façon adaptée à chaque corps de métier »[11]
La dernière partie de son livre est consacrée à sa vision politique et les convictions profondes sur les enjeux du futur, qui sont le moteur de son engagement :
- Maitriser et réguler le système capitaliste : « Faire converger le social et l’économique est devenu mon fil rouge. L’emballement capitaliste … cette approche restrictive de l’activité économique, aveugle quant à ses impacts sociaux et écologiques, est également préjudiciable à l’activité économique elle-même puisqu’elle fait fi de la durabilité et de la performance … La finance doit évoluer … dans la prise en compte de toutes les dimensions de la société, pour devenir l’outil au service de l’humain et d’un développement durable … »[12]
- L’accroissement des inégalités : « avant la pandémie, dans plusieurs pays, dont la France … un jeune sur dix était considéré comme NEET, ni employé, ni apprenti, ni étudiant »[13] Evidemment la crise sanitaire a rendu cette situation plus critique encore !
- L’urgence écologique, la nécessité du développement durable et son impact sur l’agriculture. « … Les greens bonds, c’est-à-dire les obligations vertes, qui financent des projets de transition énergétique, représentent encore moins de 1% du marché mondial des obligations. »
- La prise en compte de la dimension sociale.
- Son plaidoyer pour une finance durable : « un système qui prendrait en compte les impacts écologiques et sociaux dans ses modes de décision et qui considérerait que le capital financier doit non pas détruire mais renouveler, renforcer, valoriser le capital naturel et le capital humain dont il dispose pour que sa performance globale soit durable. »[14]
- Les chantiers du futur du travail: le sens au travail, l’impératif de la diversité, le dialogue social et économique, la cohérence de la gouvernance et « considérer l’entreprise … comme le cœur d’un écosystème de parties prenantes : actionnaires, salariés, clients, fournisseurs, collectivités locales, acteurs du territoire, société civile … »[15]
- Les défis de la démocratie : crise de la démocratie représentative et de la démocratie sociale, absence de parité, loi du plus fort numérique, transformation de l’état, égalité des chances (« quand l’écart entre la promesse démocratique d’égalité des chances et la réalité devient trop grand, les peuples se détournent des valeurs démocratiques »[16]), remise en route de l’ascenseur social « cassé », mobilisation nécessaire pour et avec les jeunes (« Le risque de décrochage de la jeunesse n’est moins grave que le risque de décrochage écologique, il est cumulatif »[17])
Je referme ce livre pour revenir à la dédicace que Muriel Penicaud a apposé sur l’exemplaire qu’elle m’a envoyé et sur la couverture avec sa photo, où elle pose dans un tailleur UnCouture, dessiné par Béatrice Ferrant, que les membres de la délégation française au Global Summit of Women connaissent bien et que j’ai bien sur reconnu … signes de plus de sa fidélité aux femmes engagées et de la proximité qu’elle sait si bien établir. Des signes qui me touchent !
Aline Aubertin
Présidente de Femmes Ingénieures »
[1] Voir pages 33 & 41
[2] Voir page 52
[3] Voir page 56 & 160
[4] Voir page 61
[5] Voir page 84
[6] Voir page 130
[7] Voir page 147
[8] Voir page 240
[9] Voir page 252
[10] Page 258
[11] Page 261
[12] Page 277-278
[13] Page 280
[14] Page 300
[15] Page 319
[16] Page 333
[17] Page 337