Tu as déjà un poste important pour une femme !
Pascale Witz , Vice Présidente de General Eletric Medical System, Colloque InterElles du 8 mars 2002
S’il y a une chose qui m’a un peu freinée au départ de ma carrière, c’est de ne pas être issue du corps, de ne pas être issue des grandes écoles. Mais le fait d’être une femme, je dirais plutôt que je l’ai utilisé. Dans mon travail, je devais souvent faire face à des relations conflictuelles. J’avais à faire à des patrons d’usines qui voyaient venir une toute jeune femme et qui, de ce fait, n’osaient pas réagir comme ils l’auraient fait avec un homme. Ils démarraient et puis ils se disaient après : « Non, il faut rester poli. On ne parle pas n’importe comment à une femme ». Donc, c’était un atout.
Autre étape importante dans ma carrière : je me suis arrêtée un an pour faire un MBA à l’INSEAD, sans doute pour pallier le manque d’école prestigieuse. C’est vrai qu’à ce moment-là, dans la société où j’étais, ils ont peu compris pourquoi je m’arrêtais. Il y a eu des commentaires, pas désagréables, mais c’était : « Ca coûte très cher, mais finalement pour faire quoi ? Tu as déjà un poste relativement important pour une femme ! »
Après mon MBA, je suis rentrée chez General Electric. Là effectivement je suis rentrée dans une très grosse entreprise. De mon coté, je n’ai jamais eu en tête : « Voilà le poste que je veux faire. Je veux le pouvoir. Comment est-ce qu’on arrive au pouvoir ?» Je suis désolée, j’ai beaucoup de responsabilités, mais je ne cours pas après le pouvoir. J’ai toujours couru après un travail très, très bien fait. Le challenge il est vis-à-vis de moi, Il est : comment est-ce que je performe par rapport aux objectifs qu’on m’a fixés ? Mais ce n’est pas pour faire mieux que les petits copains.
Je crois qu’on a une différence et je la vois très souvent quand je discute avec mes collègues femmes. C’est qu’on ne recherche pas le poste pour le pouvoir, on recherche le poste parce qu’on veut bien faire son travail et on veut qu’il soit reconnu.
Une façon d’être reconnue, c’est effectivement d’être promue. J’ai la chance d’avoir un mari pour qui la carrière est quelque chose de secondaire. Il a arrêté de travailler pendant 1 an quand je suis allée aux Etats-Unis. Et c’est là bas que j’ai découvert les réseaux de femmes et à quoi cela servait. La première fois qu’on m’a parlé d’un réseau de femmes, je crois que je l’ai dit à tous mes camarades masculins : « Je suis invitée à un women’s breakfast ! ». Je trouvais cela très amusant !
J’y suis allée et en fait j’ai trouvé une assemblée où il y avait moitié hommes, moitié femmes. Les hommes étaient tous des managers. Ils venaient parce qu’ils voulaient comprendre : quelles étaient les perceptions des femmes, qu’est-ce qui les bloquaient, comment est-ce qu’on pouvait les aider ? Je me suis rendu compte que les réseaux pouvaient énormément aider. J’ai rencontré des managers que je n’aurais pas rencontrés autrement. Le fait de les avoir rencontrés m’a permis de leur parler. Cette expérience m’a beaucoup servie.
Je crois que j’ai eu de la chance d’avoir des coachs et des mentors qui m’ont effectivement poussée à exprimer ce que j’avais fait. Très souvent les femmes se disent, ce qui est important c’est de faire un bon travail, se sera reconnu. J’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont dit : « Mais non, ce n’est pas suffisant ! Si tu fais un bon travail, il faut aussi le faire savoir, se faire connaître. » C’est à dire connaître les personnes pour qui ce travail est important. J’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont dit cela de façon assez abrupte, peut-être le côté américain…
La première réaction est de se dire : « Je veux être très intègre vis-à-vis de moi-même ». Ceci dit, on se rend compte qu’en étant très intègre vis-à-vis de soi-même, on peut faire beaucoup plus et on peut parler beaucoup plus de son travail. Sans que cela soit de la prétention. Il faut y passer du temps et y porter de l’attention !
Pascale Witz est maintenant Présidente et CEO de Medical Diagnostics, GE Healthcare